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Hatchepsout, soleil féminin

Hatchepsout, homme et femme

En tant que grande épouse royale, la reine Hatchepsout était mariée à Thoutmosis Ier ; en tant que Pharaon, elle devait reconstituer un couple royal. Mais Hatchepsout ne se maria pas ; aurait-elle trahi la règle majeure de l’institution pharaonique, voulant que cette dernière fût incarnée par un monarque et une grande épouse royale ?

En aucune façon. Il apparaît que tous les pharaons masculins ont régné en compagnie de cette épouse rituelle, alors que les pharaons féminins sont restés « célibataires ». Ayant acquis la qualité d’homme en devenant roi, elles étaient leur propre épouse et reconstituaient en elles-mêmes le couple royal.

Hatchepsout est une « femme d’or », une « femme parfaite au visage d’or », « le soleil féminin (Râyt)[45] » dont les textes nous apprennent qu’elle est identifiée à Maât, la Règle universelle, brillant avec son père, le créateur. Or, Maât entre précisément dans le nom d’Hatchepsout, Maât-ka-Râ. Lorsque Râ, la lumière divine, sortit du chaos primordial, il ouvrit les yeux à l’intérieur d’un lotus ; une émanation liquide tomba sur le sol et se métamorphosa en une belle femme à laquelle fut donné le nom d’« or des dieux », Hathor la grande. Hatchepsout lui est identifiée, elle devint l’Horus féminin vénérable, le soleil féminin, la rayonnante qui éclaire l’obscurité, celle qui brille comme de l’or ; par son regard, elle est l’illuminatrice.

Deux ministres fidèles : Hapouséneb et Sénenmout

Lorsque Hatchepsout assuma le pouvoir, comment se présentait la cour ? De vieux serviteurs de Thoutmosis Ier qu’elle garda auprès d’elle, des scribes expérimentés, des riches, des humbles, des étrangers, des militaires. Quel que fût leur rang, ils occupaient des fonctions à la fois civiles et sacrées ; autrement dit, ils séjournaient au temple pendant des périodes plus ou moins longues, afin de se détacher à intervalles réguliers des préoccupations matérielles et de retourner vers leurs tâches avec davantage de lucidité et d’exigence.

Parmi eux, Hapouséneb, grand prêtre d’Amon, vizir, initié aux mystères de l’Ennéade ; les textes nous apprennent qu’il a pratiqué Maât, la Règle, sur terre.

Hapouséneb joua un rôle économique déterminant au début du règne ; c’est lui qui surveilla les différents chantiers de construction, notamment à Thèbes. Il dirigea l’équipe d’artisans qui creusa la demeure d’éternité de la reine Pharaon dans la Vallée des Rois.

Sénenmout fut un proche d’Hatchepsout, si l’on se fie au nombre de témoignages archéologiques qui portent son nom et évoquent sa carrière[46]. Dans beaucoup d’ouvrages, il est présenté comme l’amant d’Hatchepsout et le père de sa fille, Néférourê. Que savons-nous au juste ?

Il semble que Sénenmout, dont le nom signifie « le frère de la mère », ait été d’origine modeste ; il fut officier dans l’armée, poste qui n’impliquait pas une activité de terrain. Hatchepsout le choisit comme précepteur et « nourricier » de sa fille Néférourê ; il fut plusieurs fois statufié portant l’enfant, notamment sous la forme de « statue-cube », à savoir un bloc de pierre cubique d’où émergent les têtes du précepteur et de son élève. Au moins à vingt-quatre reprises, et peut-être davantage, les sculpteurs reçurent l’ordre de représenter Sénenmout, dont les statues furent déposées dans les temples.

Ses titres étaient nombreux : ami unique, serviteur de Maât, celui qui connaît les secrets d’Amon et du sanctuaire, gouverneur de la maison de Pharaon, celui qui connaît les mystères de la maison du matin, maître d’œuvre de tous les travaux de Pharaon, en charge des greniers, des champs, des troupeaux et des jardins d’Amon. De ce grand personnage aux multiples responsabilités, il est dit qu’il prononçait des paroles bénéfiques pour le roi, était apte à parler avec rectitude, savait être silencieux lorsque nécessaire et recueillait les secrets d’État.

Que Sénenmout fût le confident d’Hatchepsout et l’un de ses principaux ministres ne fait aucun doute. Ses privilèges notables : deux tombes, un magnifique sarcophage en quartzite, de nombreuses statues. Fait remarquable, Sénenmout est même présent à l’intérieur du temple de Deir el-Bahari ; une présence discrète, cependant, puisque son visage, sommairement dessiné, se trouvait dissimulé lorsque s’ouvrait la porte du sanctuaire. Quand elle était fermée, Sénenmout vénérait, dans le silence, l’âme de sa souveraine.

Sénenmout dirigea des chantiers de Karnak, à Louxor et à Hermonthis, mais son plus beau titre de gloire est le temple de Deir el-Bahari, le « sublime des sublimes », que nous évoquerons plus loin. Énigme non résolue : pourquoi deux tombes lui furent-elles attribuées, l’une à Sheikh Abd el-Gournah (n°71), l’autre à Deir el-Bahari (n°353)[47] ? Cette dernière comporte des cartes du ciel et des représentations astronomiques. Outre leur signification symbolique, qui implique l’accession de l'âme de Sénenmout au cercle immortel des étoiles, évoquent-elles les connaissances scientifiques du maître d’œuvre ?

Nous ignorons les circonstances de la mort de Sénenmout et sa date ; la momie n’a pas été retrouvée. L’imagination a comblé ce vide : n’aurait-il pas été victime d’une disgrâce qui l’aurait éloigné du pouvoir ? Aucun document ne nous permet de l’affirmer. Il n’existe aucune trace d’une dissension entre Hatchepsout et Sénenmout, et sa disparition de la vie publique s’explique, plus simplement, par son décès.

Néférourê, fille unique ?

Pour un certain nombre d’historiens, Hatchepsout n’eut qu’une fille, Néférourê, « la perfection de la lumière divine » ; peut-être sa mère souhaitait-elle qu’elle accédât au rang de grande épouse royale et, plus encore, qu’elle se formât au métier de roi[48], grâce à l’enseignement dispensé par Sénenmout.

Quand elle devint Pharaon, Hatchepsout transmit la charge d’« épouse divine » à sa fille, qui portait également les titres de « fille royale » et de « régente du Sud et du Nord ». Néférourê occupa des fonctions religieuses et ne semble pas avoir participé de manière active aux décisions politiques.

Après l’an 16, il n’existe plus de trace de Néférourê, ce qui laisse supposer qu’elle mourut jeune. Le personnage de la fille d’Hatchepsout demeure une ombre légère à peine inscrite dans l’Histoire.

 

Les égyptiennes
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